CHWP B.21 Catach, "Les dictionnaires de l'Académie française"

10. Féminins et pluriels des noms, changements de catégories grammaticales, évolution des formes verbales

La forme et la présentation des Dictionnaires de l'Académie ont, à bien des égards, l'apparence d'ouvrages largement antérieurs (absence de catégories grammaticales, notations des changements syntaxiques et catégories multiples perdues à l'intérieur des articles, etc.). Les féminins en particulier sont rarement en vedette et parfois difficiles à trouver, bien que ce travail soit indispensable.

L'introduction progressive de ces féminins des noms et adjectifs dans les éditions est, d'un point de vue social, l'un des aspects les plus attachants à étudier. Les apparitions de féminins suivent de façon frappante les modes et les évènements sociaux et politiques des différentes époques. Ainsi, apparaissent en 1694 (où nous avons noté près de mille féminins nouveaux par rapport à Nicot), des termes comme (grande) électrice, ambassadrice (femme de l'ambassadeur), factieuse (pour la Fronde), fautrice en 1718, rentière en 1762, courtière, banquière, banqueroutière et ensorceleuse en 1798, druidesse en 1835, doctoresse et grammairienne en 1935 (100 féminins nouveaux).

L'observation des changements de nombre et de catégories grammaticales, des mots à genre double, etc., devrait également donner lieu à des datations, à des études sur les évolutions morphologiques, etc.; ex.: changements de genre (cédille, cens, cloaque, carpillon, souillon, us, moeurs); mots à genre double (cartouche, crêpe, foudre); distinctions grammaticales, apparues à la fin du XVIIIe s. (convaincant et convainquant, négligent et négligeant); pluriels (on trouve par ex. au XVIIIe s., pour les mots composés, des arc-boutans, des arc-en-ciels, des char-à-bancs, avec pluriel à la fin du mot, ce qui était alors l'usage général -- et celui de Voltaire).

Les verbes devraient, pour la même raison, bénéficier d'un soin particulier. On peut aisément dater, d'une édition à l'autre, les changements de paradigmes, de conjugaison, dont la fixation sous les formes modernes que nous leur connaissons est parfois toute récente (ainsi les formes en -aye, -oye: que j'aye, que je soye, etc.). En ce qui concerne les participes, l'entrée séparée du participe comme terme nominal sous le verbe est supprimée seulement en 1935, ce qui autorise une étude spécifique sur l'évolution des formes et des règles concernant l'accord des participes.

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