CHWP B.9 Wooldridge, Ikse-Vitols, Nadasdi, "Le Projet CopuLex"

1. Introduction

Le dictionnaire, ouvrage de référence, possède une structure conventionnelle qui en fait un outil de recherche documentaire. Il fonctionne à deux niveaux: à celui des adresses, généralement ordonnées de A à Z (macrostructure); et à celui des articles, ensembles d'informations linguistiques pour chaque mot-adresse (microstructure). La consultabilité d'un dictionnaire se mesure en termes de la rapidité avec laquelle l'usager peut repérer la bonne adresse dans la macrostructure et ensuite trouver l'information désirée dans la microstructure. Dans un dictionnaire moderne, la consultabilité de l'article est assurée par une structure récurrente dans laquelle, en principe, chaque adresse est toujours suivie du même type d'informations, données dans le même ordre et la même typographie, et où les espèces d'informations les plus fréquentes ("nom masculin", "verbe transitif", "vient du latin", etc.) sont présentées sous forme d'abréviations conventionnelles ("n. m.", "v. tr.", "( ... lat. ... )"). Les dictionnaires anciens avaient une structure moins rigoureuse et un contenu moins prévisible (Bray, 1989; Hausmann & Wiegand, 1989; Wooldridge, 1977: 97).

La macrostructure n'a guère changé depuis les origines de la lexicographie. Le modèle des familles lexicales classées par ordre alphabétique des mots chefs existe déjà dans les dictionnaires latins (monolingues et bilingues) du Moyen-Âge (Merrilees, Edwards & Megginson, 1992). Dans la tradition des dictionnaires généraux français, l'ordre alphabétique sans regroupement des dérivés apparaît dès la Renaissance dans les bilingues,[1] comme dès le premier receuil monolingue (Richelet 1680). En revanche, la microstructure, bien plus complexe, connaît une évolution lente, caractérisée par une codification et une récursivité progressives d'éléments et de modèles -- place, typographie, terminologie, abréviation conventionnelle -- proposés dans les premiers répertoires. Les étapes marquantes de cette évolution menant du Thresor de la langue françoyse de Jean Nicot (1606) au Trésor de la langue française du CNRS (en cours de publication) seraient Nicot pour la première microstructure complexe, Richelet-Furetière-Académie (fin 17e s.) pour une première récursivité, Féraud (1787) pour la codification (surtout transcription phonétique et numérotation des sens et syntagmes), Hatzfeld & Darmesteter (fin 19e s.) pour la consultabilité.

Le Projet CopuLex a pour but d'analyser, dans la tradition lexicographique française, l'histoire et l'évolution des systèmes de copules reliant les unités de traitement (adresses et sous-adresses) aux différentes informations (orthographe, prononciation, catégorie grammaticale, sens, emploi, étymologie, etc.) (Wooldridge, 1988).[2]

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Notes

[1] Voir, par exemple, Cotgrave 1611.

[2] Les travaux sont subventionnés par le Conseil de recherches en sciences humaines du Canada.