CHWP B.9 Wooldridge, Ikse-Vitols, Nadasdi, "Le Projet CopuLex"

5. Conclusion

Lorsqu'on regarde l'ensemble des dictionnaires modernes, on constate que le manque de systématisation, compréhensible du temps des révérends pères de Trévoux, n'a pas entièrement disparu, malgré les énormes progrès faits grâce à la métalexicographie, l'informatique et la théorie de l'information. Pour prendre le cas du Trésor de la langue française, le manque d'uniformisation -- dû aux changements de méthode et de typographie, aux variations dans les pratiques rédactionnelles individuelles -- rend bien plus ardue une éventuelle informatisation de cet ouvrage que ne fut le cas pour l'Oxford English Dictionary ou le Robert, par exemple (Gorcy, 1990a; Gorcy, 1990b; Gorcy & Henry, 1990; Henry, 1990).

En revanche, l'implicitation, dont nous avons observé une manifestation dans Lexis, est systématique, systémique et nécessaire dans tout dictionnaire général destiné à être lu sur papier par un être humain. Dans ce contexte, les impératifs économiques de l'éditeur ou de l'imprimeur rejoignent l'économie linguistique du lecteur. Le livre est essentiellement un médium linéaire; dans la plupart des genres livresques (dont le dictionnaire), la ligne, la colonne, la page ne sont que des unités typographiques dénuées de sens textuel. La structure profonde de la microstructure, bi-dimensionnelle, doit s'accommoder de la linéarité de sa réalisation de surface. L'explicitation totale, du type 'dictionnaire explicatif et combinatoire', rend le texte incompréhensible pour un utilisateur de dictionnaire général. Le principe de l'implicitation est basé sur la double compétence linguistique et textuelle (dictionnairique, dans le cas présent) que tout lecteur ou consulteur doit nécessairement avoir. L'on peut constater cependant, non sans ironie, qu'un petit dictionnaire comme le Dictionnaire du français contemporain -- d'où est issu Lexis et qui contient la presque totalité des séquences étudiées dans la section 4.2 ci-dessus --, ouvrage "destiné à l'ensemble de ceux qui, ayant acquis les bases élémentaires de la langue, visent à affermir ou à perfectionner l'usage qu'ils ont du français" (Avant-propos), demande un travail analytique d'explicitation de la part de l'utilisateur plus grand qu'un autre dictionnaire Larousse, le Grand Larousse de la langue française, destiné celui-ci au "francophone cultivé" (Préface).

Dans la pratique de l'informatisation de dictionnaires papier (OED, Robert), on compte encore sur la compétence de l'utilisateur pour résoudre les ellipses de l'original. Seul un dictionnaire fait pour ordinateur, jouissant, outre les capacités quasi illimitées de stockage de données de la machine, de l'expectative chez l'utilisateur d'un affichage bi-dimensionnel -- voire tri-dimensionnel (hypertexte) --, peut se permettre une articulation explicite totale.

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