CHWP B.10 Leroy-Turcan, "L'informatisation du Dictionnaire Étymologique de G. Ménage"

1.2. Dangers de l'informatisation

Nous sommes tous bien conscients des dangers de l'informatisation, de la transparence absolue, notamment dans le cas d'une informatisation fragmentée. Le danger principal est de trahir l'auteur et son oeuvre, du seul fait de ses 'méthodes' de travail, sa fantaisie formelle (cf. tous les faits de récurrence d'un ouvrage à l'autre, donc la complémentarité, et inversement les silences, jeux de l'implicite). Le contact spontané avec le livre risque d'être amoindri sinon perdu, les dialogues restreints, car trop contingentés.[10]

Mais limitons ces dangers à un simple 'avertissement' au futur utilisateur des bases de données: n'oublions pas le Livre. L'informatisation a ce mérite extraordinaire, bien connu des chercheurs contemporains, d'offrir une vision synoptique de l'organisation formelle des articles, de leur contenu, des modalités d'énonciation des étymologies, du choix terminologique, des modalités d'introduction des références et citations, sans oublier les différentes pratiques graphiques, etc.

Seule une lecture verticale permettra d'apprécier, en toute honnêteté et fidélité, la richesse linguistique du DEOLF.

1.3. Difficultés de réalisation en relation avec l'économie même du genre, le dictionnaire: lourdeur du corpus des citations

'Abondantes', très fréquentes, souvent démesurément longues, qu'il s'agisse de prose ou de poésie, en français, en italien, en latin ou en grec,[11] les citations présentent un surcroît de travail pour la saisie (cf. difficulté des textes grecs à translittérer à cause des ligatures typographiques), elles sont souvent encombrantes, parfois superflues. Peut-on faire l'économie de saisie de certaines citations? Selon quels critères?

La seule pertinence linguistique permet de ne retenir que les citations directement liées à l'objet du Dictionnaire, que ce soit pour les définitions, pour les attestations de formes anciennes ou pour les démonstrations d'étymologies. Les citations sont évidemment fondamentales quand elles constituent l'ensemble de l'article ou l'essentiel (s.v. hégire, herbe robert). Signalons les quelques cas où Ménage présente et critique, à coup de citations, différentes étymologies, sans donner explicitement son choix: les modalités de présentation des citations sont alors capitales, car on perçoit parfois implicitement les préférences de Ménage.[12]

La limite de certaines citations est parfois délicate à déterminer en raison de négligences dans le choix des polices de caractères (italique et droit romain minuscule: cf. par exemple pour Nicot, s.v. arroy et andouiller). Les vérifications assistées par ordinateur sont si aisées, si rapides!

Peuvent donc être éliminées, dans un premier temps de saisie, les citations correspondant à des digressions, à des discussions stériles; à tout le moins peut-on convenir de les remplacer par des références codées.

[Retour à la table des matières] [Suite]


Notes

[10] Cf. les limitations dans le dialogue que le lecteur peut pratiquer en feuilletant les différents livres, animé par une connaissance de l'auteur, de ses habitudes stylistiques, quasiment affective.

[11] Cf. notamment les longues citations en grec, en prose ou en vers: s.v. algarade, alkali, alquémie.alquémiste, amiral, macarons, seneçon, etc.

[12] Cf. la valeur de l'imparfait pour exprimer un désaccord implicite avec un auteur ami (Leroy-Turcan 1991: 85-6).