CHWP B.6 Caron, Dagenais, Gonfroy, "L'informatisation du Dictionaire de Féraud (1787)"

Introduction

À l'origine du projet d'informatiser le Dictionaire critique de la langue française (désormais D.C.) de l'abbé Jean-François Féraud (Féraud 1787) se trouvent, en France comme à Montréal, des équipes qui ont travaillé sur cette oeuvre majeure de la lexicographie du français post-classique (Dagenais, 1988, 1989, 1990, 1991; Féraud, 1987; GEHLF, 1986, 1987; Seguin et al., 1990). L'informatisation complète du D.C. que nous souhaitons réaliser vient donc au terme d'une longue fréquentation qui nous a permis d'en mesurer l'intérêt dans l'histoire de la dictionnairique française et comme témoignage sur la langue de son temps.

Si l'on regarde avec un oeil historique le D.C., on y trouvera en effet deux grandes originalités à l'intérieur de la tradition lexicographique proprement française, originalités qui sont à l'actif de Féraud:

  1. Le projet de faire un dictionnaire:
  2. La généralisation d'un constituant phonético-graphique nettement distingué des autres prédicats métalinguistiques par des crochets droits, avec un jeu intelligemment complémentaire de la transcription figurée et des remarques phonétiques. C'est notamment à partir de ces informations -- et de celles du Dictionnaire grammatical (Féraud, 1761) -- que L. Dagenais, de l'équipe de Montréal, documente régulièrement son enquête sur la phonologie du français post-classique.

Ces objectifs sont tenus dans l'ensemble du D.C., même si l'auteur évolue à mesure que le dictionnaire avance, délaissant de plus en plus le travail de transcription figurée, le plus souvent redondante, de l'orthographe réformée dont il use. En outre, on ne soulignera jamais assez combien le souci de vérifier la permanence de l'usage avant de recopier aveuglément un devancier est à l'honneur de Féraud, lui conférant sur ses contemporains en lexicographie un réel avantage. On est loin en son temps d'avoir le sens de l'évolution de la langue aussi averti et on trouve rarement un dictionnaire qui vérifie aussi soigneusement les répertoires antérieurs avant d'en reproduire la teneur.

Le projet clairement défini et mené à terme par Féraud en fait, pour le français de son temps, un document unique. Quant aux critiques dont il a été l'objet dans les journaux lors de la parution en 1787, elles révèlent davantage la division du monde grammatical contemporain que de réelles carences.

Notre Groupe de Recherche (le G.E.H.L.F., implanté à l'École Normale Supérieure, Paris) souhaite actuellement ouvrir la description du français post-classique à une lecture variationniste. Dans cette perspective, Féraud, avec le large spectre de textes qu'il a dépouillés, citant par ailleurs le "bon" et les "mauvais" usages dans une perspective normative assez souple, est un réservoir d'hypothèses intéressantes qu'il nous appartiendra de confirmer par des lectures extensives.

Une connaissance exhaustive des sources, genres et auteurs cités nous permettra notamment de prendre la mesure de l'état de langue qu'il décrit.

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